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La dernière interview ?

De Juliette COPE

Guitare et Claviers : juin 93

 

Les maux pour le Dire : contraint l'an passé à s'embarquer dans une nouvelle tournée gigantesque du Straits (211 concerts dans 22 pays, devant 3,6 millions de spectateurs), Mark Knopfler a la mine épuisée et soulagée d'un rescapé d'une catastrophe aérienne. Comme la première fois (l'intermède de cinq ans après la lame de fond "Brothers In Arms"), notre guitar hero taciturne toujours embarrassé par sa popularité de rock star planétaire, s'apprête à jouer les fils de l'air et à mettre la clé sous la porte du géant sonore pour une durée indéterminée. Une fugue en mineur qui devrait être supportable si elle nous apporte des projets aussi intéressants que les fameux Notting Hillbillies. Interview.

Quel est l'avenir de Dire Straits au jour d'aujourd'hui?
Je ne veux plus en entendre parler avant quinze ans ! Cette fois, j'en ai marre. J'ai bien cru que je ne serais pas capable de terminer la dernière tournée. En fait, je pense que le label Dire Straits servira avant tout à récolter de l'argent dans des concerts de charité, petits ou grand, comme le concert de Nelson Mandela pour lequel nous avions joué. Peut-être qu'on n'enregistrera plus d'albums, qu'on se contentera de donner ces gigs, rien n'est encore clairement décidé dans mon esprit. Enfin, j'ai vraiment besoin de changer. Voilà pourquoi cet album live a été si difficile à enregistrer pour moi, je n'avais vraiment pas envie de réécouter tous ces morceaux que je connais par coeur.

Pourquoi l'avoir fait alors?
Bonne question! Pour garder une trace tangible de cette tournée, sans doute. En tout cas, pas pour vendre des tonnes, car je ne suis pas convaincu qu'il marche. (désespéré) Enfin ça, je n'en suis pas sur à cent pour cent...

 

Quelles sont les autres raisons qui vous poussent à abandonner l'aventure D.S. ?
Mon besoin de liberté et de flexibilité. L'investissement dans le groupe se faisait sur des périodes beaucoup trop longues, à mon goût. Après "Brothers In Arms", je me suis accordé cinq ans de break qui m'ont permis de monter d'autres projets, comme des musiques de films ou les Notting Hillbillies. Et j'ai envie de retrouver cette souplesse, je veux composer la BO du prochain film de Robert Redford, The Education of Little Tree, faire un autre album avec Chet Atkins, partir pour Dublin enregistrer deux morceaux acoustiques avec du violon et des flûtes, participer à une session pour Aaron Neville, peut-être reprendre des morceaux des Everly Brothers, et pourquoi pas jouer sur l'album de Nick Lowe, que j'ai rencontré l'autre jour, bref me faire plaisir, bouger un peu. Il faut montrer une certaine générosité ; la musique est faite pour ça.

 

Vous voulez retrouvez une certaine spontanéité ?
Oui, en ce qui concerne Dire Straits live, je reviendrais aux racines du groupe : moins de musiciens et plus du tout de grosse machinerie. J'étais dans un bar l'autre jour lorsqu'ils ont passé un de mes titres immédiatement suivi d'un morceau de Buddy Holly. C'était tellement plus vivant, plus excitant que tout ce que j'ai fait, que toutes les productions sophistiquées du monde que j'en ai eu des sueurs froides. C'est bien la preuve que toute la technologie que nous avons employée pour Dire Straits ne vaut rien. Je veux revenir aux anciennes techniques d'enregistrement, avec des micros partout et les musiciens rassemblés dans la même pièce, comme pour les Sun sessions. Je n'aime pas les trucs High Tech, ni trop parfaits. J'essaie parfois de combiner les deux, le son d'une guitare ancienne sur une vieille machine. Peut-être devrais-je me vieillir aussi (soupir). Je déteste toutes ces machines modernes avec leurs lumières bizarres qui clignotent. Je n'ai même pas de grosse chaîne hi-fi, juste un petit Walkman. Remarquez, j'ai une brosse à dent électrique que j'aime bien, mais je serais incapable de la réparer si elle tombait en panne.

Le succès de Dire Straits vous gêne-t-il aussi ?
Le succès est fabuleux car il vous donne toute la liberté de faire ce que vous voulez, ou d'arrêter quand vous le désirez, mais je ne recommande la célébrité à personne. Pour moi, elle n'a rien de positif. J'aime bien regarder le monde, mais je n'aime pas que le monde me regarde. Lorsque le groupe a démarré et que le succès nous est tombé dessus, j'ai eu un choc, j'ai mis deux ans à m'en remettre. Ce n'est pas drôle. La stupidité du show-biz me dérange. Comme tout le monde, j'aime bien boire et j'apprécie les soirées, mais ce qu'on appelle "l'attitude rock'n'roll" m'embarrasse énormément. Vous savez, ces cérémonies des Awards où vous vous retrouvez associé à des gens en pantalons léopard auxquels vous n'avez rien à dire. En général, pendant que ces stars se jettent devant l'objectif des photographes, je suis en coulisses en train de chercher désespérément la porte de sortie.

 

Auriez-vous été plus à l'aide dans l'ombre ?
Sûrement. Ce qui m'arrive est une combinaison de chance et d'opportunité. Une chose est certaine cependant, c'est que lorsque vous débutez et que vous êtes au stade où les gens font la queue pour vous voir jouer dans des clubs, il faut l'avoir voulu très fort et attendre stoïquement la suite. Si vous contemplez un tableau dans la réalité, c'est qu'un jour un peintre a désiré obstinément le peindre. Rien d'autre ne comptait pour lui. C'est ce qui m'a amené à la guitare. Vers 6 ans, j'écoutais mon oncle jouer due boogie-woogie au piano et j'ai été transporté. Je suis devenu dingue, un véritable obsessionnel. A 14 ans, j'allais humer les catalogues Fender dans les magasins d'instruments parce que mes parents n'avaient pas les moyens de m'offrir une guitare. Je me souviens encore de l'odeur. J'étais rêveur, mais un rêveur sérieux. Je prenais sérieusement du plaisir à jouer avec mes petits soldats et avec mon cousin. En d'autres termes, monter un groupe est le fruit d'un véritable effort de volonté et de détermination, l'inspiration ne suffit pas, il faut être fin stratège. Je l'ai été, sans doute parce que je suis très fort aux échecs...

 

Selon vous, il n'y a donc pas de grand secret lié à la création ?
Il n'y a pas de secret. C'est à la fois bien plus simple et bien plus complexe qu'un secret. C'est une alliance de mots et de musique qui se combinent instinctivement dans le cerveau et qui se marient soudain. Le résultat n'est pas toujours réussi, voilà d'ailleurs pour moi tout l'intérêt de composer : la musique est comme une représentation théâtrale, jamais figée. L'idée d'écrire un livre m'angoisserait trop, je ne pourrais jamais me résoudre à le terminer. Malgré les apparences, je n'ai jamais su écrire des chansons simples et calibrées, du style des tubes country, même si beaucoup de musiciens à Nashville ont repris mes morceaux. J'ai des trucs bizarres qui me passent par la tête, et je me contente de les transcrire sur papier. Longtemps, c'était des histoires personnelles que je transposais dans un contexte américain. Par exemple, Southbound sur le premier album, qu'on a pris pour une chanson de country, racontait mon exil de Newcastle à Londres.

 

Et quelles relations entretenez vous avec vos guitares ?
Il m'arrive encore de m'endormir avec une guitare entre les mains à force de jouer. C'est pour cela que je m'installe toujours dans un canapé, car si vous vous endormez dans un fauteuil, vous glissez et vous retrouvez par terre, avec la guitare au dessus de la tête, coincée par le bras du siège.

 

Comment réagissez-vous aux critiques faites à l'encontre de Dire Straits ?
Je ne m'en préoccupe pas. Les rock critiques ne sont pas capables d'écrire des chansons. Et puis en studio, les musiciens se moquent souvent des articles publiés dans les journaux, car eux savent pertinemment comment tel ou tel album a été réalisé...

 

Et dans votre carrière, de quoi êtes vous le plus fier ?
De rien du tout. J'aime ce que je fais mais je suis extrêmement gêné de m'écouter. Une fois que j'ai enregistré un disque, j'essaie d'oublier qu'il existe, et de l'éviter à tout prix. Ce qui n'est pas toujours facile... Je passe mon temps à me dire que j'aurais pu faire mieux et à me remettre en question. Je doute constamment.