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Guitar planète 

n°11, juin juillet 96

 A l’origine, ce ne devait être qu’un petit exercice sans grande importance, une sorte de devoir de vacances destinées à rompre les pressions et la monotonie de Dire Straits. Au final, le premier album solo de Mark Knopfler a pris des allures de nouveau départ, de bain de jouvence qui laisse à penser que la carrière de Dire Straits pourrait bien y trouver là une conclusion pas si inattendue que ça. Non seulement il n’envisage pas de relancer la machine au sortir de la tournée qui l’entraînera à nouveau aux quatre coins du monde mais, cette fois de façon nettement plus modeste, Knopfler annonce qu’il compte enchaîner avec un autre projet afin de garder le même groupe. Quand on sait que notre homme aime prendre son temps, on se demande bien quel miracle pourrait faire revenir le spectre de Dire Straits dans l’esprit de son leader avant une bonne dizaine d’années… Nous serons alors, dans le meilleur des cas en … 2006 !

 Dire Straits est mort, ou peut-être, tout au moins, considéré comme tel. La tombe pourra certes s’ouvrir à nouveau pour on ne sait quel concert de charité, mais sur la possibilité d’un futur album, Mark Knopfler secoue la tête, farfouille sur la table basse à la recherche d’une cigarette, avant de pousser un soupir tout en regardant la pluie tomber à travers la fenêtre de son bureau londonien et de murmurer : « tout cela est devenu si effrayant … »

Dire Straits était un bon groupe de bar avec un excellent guitariste, qui s ‘est réveillé un beau matin en réalisant qu’il faisait   désormais partie de l’un des plus grands groupes de rock du monde. Seul problème, Mar Knopfler abhorre la célébrité : « je la déteste, elle n’est en aucun cas gratifiante. On ne s’habitue jamais au fait d’être quelqu’un de connu. » Knopfler se gratte la tête, comme si il voulait éliminer le peu de cheveux qu’il lui reste, avant d’ajouter : « Et cela gêne vraiment ce que l’on fait. Dès que l’on se retrouve en couverture de tous ces magazines, on réalise violemment qu’au lieu d’observer le monde -  ce qui est la base de mon écriture -, c’est le monde qui vous observe. J’adore le succès. Le succès signifie que je peux m’acheter une Gibson Les Paul 1959 et des Triumphs (les motos), ou que je peux jouer avec tous ces musiciens merveilleux. Mais, d’après ce que j’en ai vu, la célébrité n’est qu’un effet indésirable du succès.

Chaque fois que Mark Knopfler a senti qu’il risquait d’être étouffé par une avalanche « d’effets indésirables », il a claqué la porte pour aller jouer avec d’autres musiciens. Séances de studio, production, visite amicale, tout est alors bon à prendre et, la dernière fois que la machine Dire Straits s’est un peu trop emballé à son goût, il a même été jusqu’à former un autre groupe, les Notting Hillbillies, avec ses vieux potes de bistrot. Cette fois, il se lance en solo pour de bon. On aurait presque envie de dire qu’il se livre enfin « à découvert. Golden Heart est donc le premier album de Mark Knopfler sur lequel il passe en revue des amours musicales qu’il définit lui-même comme du « celta delta », quelque part entre le Mississipi blues et la musique traditionnelle celtique. Imaginez deux minutes JJ Cale sirotant une, voire plusieurs Guinness, avec Dire Straits au fond d’un bar de la Nouvelle – Orléans, où un groupe de Zydeco reprendrait les musiques de film de Knopfler.  « C ‘est un album qui présente les musiques que j’aime vraiment, continue le guitariste. Si l’on ne peut pas se faire plaisir à soi-même, on ne peut pas transmettre de plaisir de plaisir à qui que ce soit . 

 

Quand vous êtes-vous rendu compte que cet album serait un projet solo et pas le prochain Dire Straits ?

Je suis très mauvais en ce qui concerne les dates, mais il me semble que cela doit remonter à trois ans. Sur les premiers morceaux que j’ai composé, je voulais utiliser des Uillean pipes (sortes de cousins de la cornemuse), des violons et du pipeau… C’est à partir de là que j’ai réalisé qu’il ne s’agirait pas d’un album de Dire Straits. Je ne savais pas encore ce que j’allais faire de ces chansons et Paul Brady a alors réuni cette bande de musiciens à Dublin. Nous avons fait quelques séances ensemble pendant deux ou trois jours et un des mômes qui bossait dans le studio et venu me voir en me disant « c’est le meilleur groupe de musiciens en Irlande. » Et il avait raison ! Tout est parti de là et les choses se sont mises en places progressivement, au fur et à mesure que j’écrivais des nouvelles chansons et que j’allais de séances d’enregistrement dans divers endroits avec toutes sortes de musiciens, tout en me consacrant à d’autres projets en cours.

 

En quoi la préparation et l’enregistrement de cet album différaient-ils de Dire Straits ?

Si l’on ne tient pas compte du temps que nous avons pris ou des différents musiciens qui ont joué sur l’album, il n’y a pas vraiment de différence. N entre en studio, on joue des chansons à des musiciens et ils se mettent au boulot. Les mecs de Nashville ont une façon très particulière de bosser. Leur jeu peut varier au fur et à mesure que l’on avance dans l’enregistrement mais j’ai l’habitude de savoir à peu près où je vais avant de commencer avec un groupe. A partir de là, c’est toujours la même histoire, chacun réfléchi à sa partie et la met au point.  Ce qui est particulièrement exaltant à travailler là-bas, c’est que tout se passe très vite. Ils ont l’habitude de réagir instantanément. C’est, du reste, l’une des caractéristiques de la country moderne, dans la mesure où ils n’ont jamais le temps de bosser sur toutes les possibilités d’une chanson. On garde généralement  les choses telles qu’elles sont venues au départ et on passe à la suite. Ils m’ont tout de même confié qu’ils avaient apprécié le fait que nous ayons disposé d’un peu de temps en plus pour fignoler. Personnellement, j’aime les deux approches, celle qui consiste à être avec des gens qui ont l’habitude de tout boucler rapidement et celle où l’on prend le temps de perfectionner les morceaux.

 

Dublin, Londres, Nashville, la Louisiane, vous êtes allé un peu partout pour enregistrer cet album. Pourquoi un tel choix ?

En partie parce que je pouvais me le permette et en partie parce que j’avais calé des séances à droite et à gauche dans mon planning. J’étais à Nashville pour enregistrer un titre avec Aylon Jennigs et je suis allé en Louisiane pour jouer sur l’album de Sonny Landrreth. C’est un de mes amis et, pour moi, c’est un grand maître en matière de guitare. J’ai essayé d’enregistrer « je suis désolé » là, mais je n’ai pas eu suffisamment de temps. J’ai donc terminé à Nashville. Mais il n’était nullement question d’aller en Louisiane pour y trouver un son cajun authentique ou à Nashville afin de sonner comme un vrai musicien de country. Loin de là. J’ai horreur des albums de puristes. Les meilleures choses arrivent lorsque les cultures se mélangent.

 

En dehors de Guy Fletcher, in ne trouve que des musiciens américains sur l’album. Avez – vous l’intention de déserter l’Angleterre pour vous installer aux Etats-Unis ?

Certainement pas : J’aime trop L’angleterre. Non, ils se sont simplement retrouvés sur l’album pour une bonne et simple raison qu’ils étaient libres, qu’ils voulaient jouer et que c’étaient de merveilleux musiciens.

 

Quels sont les musiciens qui vous accompagnent sur cette tournée ?

Il y a Richard Bennett à la guitare, c’est un musicien de Chicago qui a travaillé avec tout le monde, de Gene Vincent à la série TV The Partridge Family ! Glenn Worf tient la basse, il est très réputé au sein de la scène de Nashville où il est l’un des musiciens de studio les plus recherchés. Le batteur vient de Memphis et s’appelle Chad Crowmell. Il a tourné en compagnie de Neil Young ou Bonnie Raitt. Le seul « billy » qui vient avec moi, c’est Guy Fletcher. Il jouait déjà sur Brothers In Arms et On Every Street. Je l’avais rencontré il y a des années lors de l’enregistrement de la bande originale Cal. Depuis, il a su se rendre indispensable. Il est d’un grand secours. C’est un chic type qui est bon d’avoir à ses cotés en studio aussi bien que sur scène, pour de multiples raisons. Il est très rapide et très créatif. Cela fait partie de ces liens qui se créent entre deux individus, il est devenu une partie intégrante de ma vie musicale. Ce sera un groupe fantastique ! Je pense déjà a la fin de la tournée et à d’autres choses que nous pourrions enregistrer ensemble afin de ne pas nous séparer.

 

C’est la première fois que vous enregistrez un album sur une aussi longue période, était-ce simplement pour n’avoir à travailler que lorsque vous en aviez le temps et l’envie ?

Oui, et aussi lorsque j’avais de nouveaux morceaux sous le bras. Il y a moins de pression que lorsque l’on est obligé de tout terminer en six semaines. Lorsque l’on peut se le permettre – et c’est mon cas -, pourquoi ne pas prendre son temps pour bosser un peu ici et là ? Je n’ai jamais pris autant de plaisir à enregistrer un album, sans mentir. J’étais si heureux que j’ai commencé à accumuler les chansons afin de pouvoir y retourner dès que possible. 

Comment composez-vous ?

Tout ce dont j’ai besoin, c’est un divan. Le problème avec les fauteuils, c’est qu’il est difficile d’y jouer de la guitare. On finit toujours par s’asseoir par terre. La première fois que j’ai rencontré John Illsley (bassiste de Dire Straits depuis ses origines), je jouais dans l’appartement où vivaient John et David (le frère de Mark), à Deptford, dans le sud de Londres. J’étais venu jouer avec eux et ils étaient sortis toute la nuit. J’avais commencé à m’assoupir sur le fauteuil avec ma guitare et, comme d’habitude, j’avais fini par glissé sur le sol. Lorsque John est arrivé, il m’a trouvé allongé par terre, c’était la première fois qu’il me voyait. Le divan est donc bien plus propice à l’inspiration. Si tu t’endors, tu as la possibilité de t’allonger…

 

Vous expliquez que les nouvelles chansons viennent du cœur et pas du cerveau, d’où le titre de l’album. Cela signifie t-il que les morceaux de Dire Straits venaient plus du cerveau ?

J’ai parfois fait certaines choses avec un certain cynisme. Une chanson comme « My Parties » est, à mon sens, assez cynique. J’ai toujours essayé de me préservé du cynisme. C’est extrêmenent important. En Angleterre, il est de bon ton de se foutre de tout. Mais avec quelqu’un comme Van Morrison, on a l’impression qu’il ne veut jamais devenir blasé, il veut simplement faire ressortir toute son âme. Ce que j’attends pas là est que « You Are My Sunshine »est bien une meilleure chanson que « My Parties. Elle évite le cerveau pour s’adresse directement à l’âme. Avec une chanson comme « I’m The Fool », on communique directement, aussi honnêtement que possible. Mais cela reste difficile de parler des chansons. Elles ont toujours une part de mystère. On ne sait jamais vraiment d’où elles viennent. Parfois, on écrit des choses sans trop réfléchir, on ne sait quelle raison ou quelle force vous a poussé…

 

Beaucoup de compositeurs préfèrent ne pas trop se pencher sur la question, au cas où leur don pourrait les quitter…

C’est peut-être ça.. Tu as probablement raison. Effectivement, je ne sais pas toujours comment les choses me viennent.

 

Avez-vous ressenti quoi que ce soit de particulier qui aurait inspiré les chansons de cet album, un thème ou une ambiance ?

Il s’agit principalement de chansons d’amours ou de chanson sur les relations antre deux personnes. Il faut apprendre certaines choses au fur et à mesure que votre vie avance, mais je suis un élève très lent. Je le suis vraiment. Mais tout ça n’est que du rock’n’roll. Cela sonne si prétentieux lorsque  que l’on parle de son inspiration… Je suppose que ces chansons relatent de ce que j’ai observé au cours de mes quarante six dernières années passé »s sur la planète. Il s’agit vraiment d’observation. Mes meilleures chansons, à mon avis sont celles où j’ai dressé ce que j’appelle des « portraits », comme « Sultans Of Swing », laquelle m’est simplement venue en restant dans le fond à espionner les gens. Ou encore, sur cet album, « Vic & Ray » qui évoque des paparazzi, ou « Rudiger » qui parle de ce chasseur d’autographes allemand que j’ai rencontré un beau jour. En fait, j’avais écris les paroles de cette chanson il y a des années et je me suis tellement impliqué dans la préparation de cet album que j’ai fini par ressortir tous mes vieux carnets de notes.

 

Vous adressez-vous à un public imaginaire lorsque vous écrivez des chansons ?

Pas vraiment. Il faut d’abord écrire pour soi avant de vouloir toucher d’autres gens. Mais parfois, on pense à l’utilisation que font les gens de votre musique. C’est différent et très agréable. Je ressens une immense satisfaction lorsque je rencontre des gens qui me disent que ce que ma musique leur a apporté, qu’ils sont tombés amoureux sur l’une de mes chansons ou qu’ils ont conçu un enfant en l’écoutant. Il y avait ce français qui travaillait dans le train de l’eurotunnel et qui m’a dit l’autre jour : » lorsque je rentre chez moi, mes problèmes paraissent insurmontables, j’écoute alors votre musique et mes soucis disparaissent. » J’ai aussi rencontré ce gosse qui m’a expliqué, après un concert : « je veux que vous sachiez que ce sont des amis qui m’ont traîné ici. J’étais au bout du rouleau, j’allais me pendre et je tiens à vous dire que j’en ai plus envie grâce à vous. » J’ai répondu que je ferai une bonne assistante sociale ! Et ce jeune journaliste de vingt sept qui m’a affirmé qu’il avait commencé à s’intéresser  la musique en écoutant « Sultans Of Swing »…Cela me rem remémore l’époque où, lorsque j’étais encore adolescent, j’ai commencé à devenir véritablement obnubilé par la musique. Cela me prend parfaitement heureux et reconnaissant d’être là. C’est aussi simple que ça.

 

Quelles étaient vos « obsessions » musicales, à cette époque ?

Elvis, Chuck Berry – c’était mon premier concert. Incroyable ! Lorsque j’ai eu ma première guitare électrique, il n’y avait plus rien à faire, c’était devenu une obsession. Je ne me suis jamais retourné. J’ai rendu mes pauvres parents complètement fous ! Je me souviens de l’école… Je ne sais pas si vous vous rappeler lorsque vous dessiniez des logos de groupes sur vos cahiers pendant les cours les plus ennuyeux ? Pendant le cours de géo, vous passiez des heures à reproduire laborieusement des versions artistiques des groupes avec des grosses lettres bien grasses. Je vois encore ce principal qui tenait mon cahier d’exercices comme s’il s ‘agissait d’un rat crevé en disant « Knopfler ! The Kinks ! »Avant de le jeter à la corbeille. J’adorais les Kinks. Mais Chuck Berry restait le premier que j’ai vu sur scène, au City Hall de Newcastle. J’avais quinze ans et j’étais au paradis !